Suite à la crise immobilière sur le marché des bureaux à la fin des années 90 et au début des années 2000, les fonds d'investissements américains de l'époque vont utiliser pour la première fois, dans le cadre de l'acquisition d'immeubles de bureaux en Île-de-France des méthodes financières pour l'évaluation immobilière de ces biens immobiliers. C'est ce qu'on appelle la « financiarisation de l'immobilier ».
Cette méthode est aujourd'hui bien connue des investisseurs institutionnels dans le cadre de l'évaluation de leur patrimoine et des experts en évaluation immobilière pour l'estimation d'une valeur d'expertise.
Mais en quoi consiste cette méthode du DCF immobilier ? Comment fonctionne cette méthodologie d'évaluation et comment l'expert immobilier détermine les paramètres du cash flow ? Quelles sont les limites de cette méthode ? Voici une synthèse de tout ce qu'il faut savoir sur le sujet.
La méthode du DCF en immobilier, c'est quoi ?
La méthode du « Discounted Cash Flow » (DCF) ou « actualisation des flux futurs » repose sur le principe que la valeur d'un bien est égale à la somme actualisée de ses revenus futurs. L'évaluateur projette les flux, indexations et reversions pendant une période considérée, ainsi qu'une valeur de revente potentielle en fin de période de détention. Les flux sont ramenés en valeur actuelle au moyen d'un taux d'actualisation.
Source : Charte de l'évaluation du Domaine
Il s'agit donc d'une méthode prospective qui correspond à une logique investisseur.
Comment utiliser la méthode du DCF ?
Avec une analyse approfondie des revenus et des charges futurs de l'immeuble la méthode du DCF permet de faire une évaluation précise de la valeur vénale de l'immeuble. Elle permet également de mettre en place une stratégie de valorisation.
Cette méthode d'estimation immobilière nécessite plusieurs étapes que nous allons exposer en détails. La première étape consiste à déterminer la période de projection.
La période de projection
La durée de détention ou période de projection retenue pour le cash flow immobilier est généralement de 6 à 10 ans. Cependant, dans certains cas, la période à considérer peut être plus courte ou plus longue, soit en raison d'une stratégie d'investissement particulière, soit en raison des caractéristiques de l'investissement.
Revenus locatifs projetés
Le revenu considéré est un revenu net. On entend également parfois le terme de « revenu triple net ». Les revenus nets sont en principe faciles à déterminer, en fonction des baux en cours sur le bien, ou des baux potentiels qui pourraient être consentis. Il faut donc déduire les charges locatives non récupérables à partir des clauses des baux (impayés, honoraires de gestion locative, travaux non refacturables, taxe foncière etc ...)
Les revenus locatifs sur la durée de la simulation sont déterminés, soit en fonction de la seule révision des loyers, correspondant à l’évolution prévisible de l’indice prévu dans le bail, soit en fonction d’une évolution prévisible du revenu locatif selon différentes hypothèses : changement de locataire, réalisation de travaux, évolution des facteurs locaux.
L'indexation des revenus doit également être estimée en fonction de l'évolution probable des indices servant à l'indexation des loyers (ICC, ILAT, ILC) afin de déterminer la valeur réelle de l'actif immobilier.
Les dépenses engagés pour les gros travaux doivent également être déduites.
Les éléments propres au détenteur de l'immeuble (coût de financement, emprunt, taux d'imposition) sont exclus des flux de revenus futurs.
Choisir le taux d'actualisation des flux futurs
Le taux d'actualisation permet de calculer la valeur actuelle de la somme des revenus futurs. L'actualisation est un mécanisme classique de la finance qui permet de prendre en compte le coût du risque. Les cash flows net sont actualisés à la date d'expertise en appliquant un taux d'actualisation qui peut être déterminé de plusieurs manières.
Il peut tout d'abord être déterminé par référence au taux de rémunération des obligations à long terme, généralement l'OAT 10 ans. Certains experts immobiliers vont retenir une moyenne de l'OAT 10 ans sur 6 mois ou 1 an. L'évaluateur devra ajouter une prime de risque pour tenir compte du fait que le marché immobilier est à la fois plus risqué et moins liquide. Cette prime traduit notamment l'appétit des investisseurs pour le marché immobilier, la demande sur le type d'actif, le montant de l'investissement. Pour l'estimation d'un bien immobilier les hypothèses et la structuration du taux seront explicités par l'expert.
On peut résumer cette première approche de la manière suivante :
Taux d'actualisation = taux de rémunération de l'argent sans risque + prime de risque du secteur immobilier + prime immeuble.
Une seconde approche du taux d'actualisation est possible et consiste selon la Charte de l'Expertise en Évaluation Immobilière « à partir du taux de rendement immobilier et à le corriger d'une variation relative à l'évolution attendue, sur la période d'étude du cash-flow, des indexations de loyer ou des augmentations de valeurs locatives de marché ».
Dans cette seconde méthode le calcul sera le suivant :
Taux d'actualisation = taux de rendement immobilier + taux de croissance du revenu.
Il est également possible de déterminer le taux d'actualisation par le coût moyen pondéré du capital (WACC) de l'acquéreur type qui correspond à un taux de rendement interne espéré par un acheteur potentiel sur un investissement. Elle dépend de stratégies d'investissement qui varient selon la typologie de propriétaire.
La valeur du bien en fin de période
L'expert-évaluateur va estimer la valeur vénale de l'immeuble en fin de période en tenant compte des caractéristiques physiques, juridiques et économiques du bien. La valeur du bien à la fin de la période de projection dépend des conditions de marché et des prix du marché à cette date future.
Pour réaliser cette évaluation immobilière de la valeur de l'immeuble en fin de période, l'évaluateur capitalise les revenus effectifs de l'immeuble à la fin du cash flow sur la base d'un taux de rendement net initial qui est adapté en fonction du type de bien immobilier.
La valeur du bien immobilier à cette date future est ensuite actualisée.
Quel intérêt d'une évaluation immobilière par la méthode du DCF ?
Il appartient à l'expert immobilier de déterminer la ou les méthodes à utiliser en fonction de la nature et des caractéristiques de l'immeuble et du projet immobilier envisagé par le propriétaire pour évaluer la valeur du bien ou droit immobilier.
La méthode du « Discounted Cash Flow » (DCF) ou « actualisation des flux futurs » est pertinente pour l'évaluation des biens immobiliers qui présentent un enjeu financier important sur le court et le moyen terme.
Dans le cadre d'une expertise immobilière pour un investisseur institutionnel, le recours à la méthode du DCF est pertinente compte tenu de l'approche de détention de l'actif immobilier et des objectifs d'investissement.
La méthode du DCF est pertinente pour l'évaluation des immeubles tertiaires (bureaux, locaux d'activités, entrepôts-logistiques) car ils sont majoritairement détenus par des investisseurs pour les revenus qu'ils génèrent.
Les limites de la méthode du DCF immobilier
Lors de la réalisation d'un discounted cash-flow immobilier pour déterminer la valeur vénale d'un bien immobilier, la principale difficulté réside dans l'appréciation correcte des paramètres qui influent sur la détermination du prix. En période de correction des prix de l'immobilier et avec l'ascension de l'inflation en 2023, l'anticipation des revenus et l'estimation précise de la valeur en fin de période rendent l'exercice plus complexe car le raisonnement ne s'appuie pas sur des données observées comparables. Le professionnel de l'immobilier peut avoir tendance à moduler la prime de risque en fonction du résultat qu'il veut atteindre.
Il reste difficile pour affiner les estimations de la valeur d'un immeuble d'appréhender la prime de risque "secteur immobilier" dans le calcul du taux d'actualisation.
La méthode du DCF immobilier doit donc être recoupée par au moins une autre méthode d'évaluation et une analyse approfondie des possibilités de l'immeuble en termes de valorisation.
Le DCF immobilier doit par ailleurs être distingué de la méthode par capitalisation qui considère un revenu, généralement loyer brut qui est capitalisé par un taux de rendement à l'infini et qui par conséquent par du principe d'un revenu constant dans le futur.
Pour la fiabilité de l'estimation, les choix de l'évaluateur doivent être justifiés de manière précise, les projections de loyers et de charges ainsi que le calcul de la valeur de revente ne doivent pas être sous-estimés.
RÉDIGÉ PAR :
Antonin ZDRZALIK, Expert immobilier à Paris, certifié MRICS Chartered Surveyor, REV by TEGOvA.