La mission d’un expert en évaluation immobilière est d'apprécier correctement tous les facteurs qui déterminent la valeur d’un bien ou d’un droit immobilier. Pour cela, l’expert immobilier a recours à des techniques et procédures d’évaluation pour déterminer la valeur au plus près de sa valeur réelle sur le marché, à une date donnée. Les méthodes d’estimation immobilière sont employées par l’expert-évaluateur pour estimer au plus juste et justifier le montant qui sera déterminé à l'issue de son étude.
Au cours des années, avec la financiarisation de l’immobilier, les techniques d’évaluation ont intégré une gamme d'outils et de modélisations qui reposent sur des calculs et des statistiques perfectionnés. Alors, quelles sont les meilleures pratiques en matière d’évaluation immobilière ? Quelles sont les méthodes retenues par les experts agréés et certifiés et celles retenues par la jurisprudence ? On vous dit tout.
Méthodes d'estimation immobilière de quoi parle-t-on ?
Les méthodes d'estimation immobilière sont des techniques utilisées par les professionnels de l'immobilier pour estimer un bien immobilier par des procédés définis et adaptés à la spécificité de chaque bien immobilier. Elles sont notamment utilisées par les expert en estimation immobilière pour déterminer la valeur d'un bien ou droit immobilier et permettent de faire une estimation précise de la valeur des biens immobiliers.
Vous vous demandez comment calculer la valeur d'un actif immobilier ? Il convient tout d'abord de vous présenter les différents types de méthodes d'évaluation en immobilier. Nous verrons par la suite comment mettre en oeuvre les différentes méthodes pour estimer correctement un bien.
Quelles sont les méthodes d'estimation immobilière ?
La méthode par comparaison
En France, pour déterminer la valeur d’un bien, lors d’une évaluation immobilière, la méthode par comparaison est une méthode fondamentale. Avec cette méthode, l’expert en estimation immobilière recherche des exemples de ventes récentes de biens comparables. Également appelée « méthode par le marché » ou « par comparaison directe », la méthode consiste à partir directement de références de transactions immobilières réalisées sur le marché immobilier pour des biens présentant des caractéristiques et une localisation comparables au bien immobilier expertisé. L’analyse de chaque transaction immobilière doit être observée avec précision afin de vérifier la pertinence de la vente et pour trouver celle qui porte sur un bien le plus similaire possible ou approchant.
La méthode par comparaison est celle qui est préconisée par l'administration fiscale pour la déclaration fiscale. Par ailleurs, la jurisprudence considère que « sauf les cas où, en raison de la singularité du bien […], toute comparaison est impossible, la valeur vénale de ce bien doit être établie par la comparaison de cessions, à l’époque de la mutation, d’un bien intrinsèquement similaire » (Cass. Com, 26 janvier 1999, n°97-10403). La méthode par comparaison est également très pertinente pour l’établissement de la valeur locative.
Mais la méthode par comparaison est bien souvent inadaptée pour l’évaluation de la valeur vénale des actifs “de rendement” dont la valeur est basée sur le revenu locatif, notamment les immeubles de rapport et l’immobilier tertiaire. Dans ce cas l’expert en estimation immobilière privilégie les méthodes d'évaluation par les revenus qui sont plus pertinentes.
Les méthodes par le revenu
Pour déterminer la valeur vénale des actifs « de rendement », deux méthodes sont pertinentes : la méthode par capitalisation et la méthode par actualisation des flux futurs.
La méthode par capitalisation
La méthode par capitalisation est la plus pertinente pour les immeubles de placement, les immeubles d’exploitation et plus généralement tout actif pouvant générer un flux de loyer. Cette méthode consiste à prendre comme base un revenu constaté (loyer perçu actuellement ou déjà perçu) ou un revenu potentiel (loyer du marché) ou bien même combiner ces deux bases, puis à diviser cette base par un taux de rendement ou un taux de capitalisation. Le taux de capitalisation détermine la valeur nette vendeur tandis que le taux de rendement détermine la valeur acte en mains. Le taux de capitalisation s’exprime en pourcentage et correspond au rapport entre un loyer réel annuel, d’un bien et son prix hors droit de mutation et frais d’acquisition. Le taux de rendement se base sur le même principe que le taux de capitalisation à la seule différence que cette fois, les droits de mutation et les frais d’acquisition sont comptés.
La méthode par actualisation des flux futurs
Cette méthode est également connue sous le nom de DCF (Discounted Cash-Flow). Selon la Charte de l’Expertise en Évaluation Immobilière, la méthode consiste à « projetter l’ensemble des flux, indexations et réversions projetées pendant une période d’étude considérée, ainsi qu’une valeur de revente potentielle en fin de période de détention. L’ensemble des flux est ramené en valeur actuelle au moyen d’un taux d’actualisation ».
La période de projection généralement considérée est d’une durée de 6 à 10 et peut être portée jusqu’à 15 ans. Le bien étant considéré comme revendu à la fin de la période pour une valeur que l’expert justifiera en se référant notamment à la capitalisation du revenu net récurrent de la dernière année.
Pour déterminer un taux d’actualisation, ce taux est calculé, habituellement, à partir des taux de rendement sur le marché obligataire, et corrigé d’une prime de risque pour prendre en compte les caractéristiques du bien, ainsi que d’une prime d’immobilisation de l’immeuble à long ou moyen terme. La détermination de ce taux résulte donc de l’analyse du marché, en fonction de la nature du bien (bureaux, entrepôt, logement, locaux d’activité), de sa localisation, et du régime d’occupation.
Comment faire l'estimation d'un bien immobilier ?
La valeur vénale s’apprécie au regard de différents critères et caractéristiques propres au bien immobilier qui permettent de déterminer la méthode d’évaluation immobilière qu’il convient de privilégier. L’expert immobilier doit respecter des diligences et justifier la ou les méthodes d’estimation immobilière retenues pour réaliser l’expertise. Il explique et justifie systématiquement de façon précise dans son rapport d'évaluation le choix des méthodes retenues en fonction de trois critères.
La nature du bien immobilier
Selon les normes internationales d'évaluation de la RICS, généralement connues sous le nom de « Red Book » (ces normes sont disponibles sur ce lien), l'évaluateur doit tout d’abord prendre en considération la nature et la destination du bien immobilier (résidentiel, commercial, tertiaire) ou du droit immobilier (droit au bail, fonds de commerce, indemnité d’éviction). Pour l’immobilier résidentiel, la méthode à privilégier est la méthode par comparaison. Pour les actifs immobiliers tertiaires, il convient d’appliquer les méthodes par les revenus. Pour un terrain avec droits à construire l'évaluateur a recours à la méthode du « compte à rebours » ou « bilan promoteur ». La méthode sera donc adaptée en fonction des biens immobiliers qui composent le patrimoine immobilier.
Le contexte de la mission d'évaluation
Le choix de la méthode d’estimation doit tenir compte de l'objectif et de l'utilisation prévue du rapport d’expertise immobilière. La mission d’expertise s’insère dans un cadre et un contexte dont l’évaluateur doit tenir compte. Pour une expertise dans le cadre d’un contrôle de l’administration fiscale pour l’IFI (impôt sur la fortune immobilière - anciennement ISF), l’expert évaluateur devra privilégier la méthode par comparaison qui est la méthode privilégiée par l’administration fiscale. Que ce soit pour une expertise amiable (avant un achat immobilier, pour garantir un crédit immobilier, viager) ou pour une expertise judiciaire (partage judiciaire d’une succession, contentieux sur le loyer commercial), les calculs et procédés d’évaluation permettent aux experts en évaluation immobilière de déterminer et de justifier la valeur d’un bien ou d’un droit immobilier.
Les exigences nationales
Enfin il doit tenir compte des exigences nationales ou infranationales légales ou autres qui sont applicables. En France, la Charte de l’Expertise en Évaluation Immobilière est le document de référence qui prévoit les normes professionnelles que les experts doivent appliquer. Selon la Charte de l’Expertise Il existe 7 méthodes d’évaluation que l’expert peut utiliser. Selon les biens à expertiser, l’expert en immobilier peut adopter plusieurs méthodes. De manière générale, l’expert utilisera en premier lieu, la méthode par comparaison. Pour déterminer une valeur précise, ce dernier va combiner plusieurs méthodes, dont la méthode par le revenu.
Comment mettre en oeuvre les méthodes d'estimation immobilière ?
Selon le rapport du groupe de travail sur l’expertise immobilière dit rapport COB ou Barthès de Ruyter de Février 2000, il est recommandé à l’expert d'utiliser au moins deux méthodes d’estimation et s’il ne pouvait être retenu qu’une seule méthode, l’expert immobilier se devrait de le justifier.
Les critères à prendre en compte lors d'une évaluation par comparaison
L’expert immobilier recherche et sélectionne dans une étude de marché approfondie, des références de transactions immobilières portant sur des biens dont les propriétés, les caractéristiques sont similaires et situées dans la zone géographique d’intérêt. La méthode par comparaison suppose une étude exhaustive et objective du marché par un expert indépendant qui développe une lecture critique du marché qui permettra de conclure à une valeur vénale ou locative fiable et justifiée. L’expert en estimation immobilière utilise plusieurs bases de données spécifiques en fonction du type de bien à évaluer. En immobilier résidentiel, l’évaluateur utilise principalement les bases de données DVF et la base BIEN des notaires.
Plusieurs critères sont à prendre en compte pour l’expert lors d’une évaluation par comparaison. La localisation devra être précisée dans le secteur géographique et à des montants de loyer similaires au bien expertisé, qui peut être plus vaste pour des actifs tertiaire que pour des actifs résidentiels. Selon les caractéristiques du bien, l’analyse du marché exige alors une observation par caractéristique à ajuster. Le nombre de propriétés comparables à retenir est directement déterminé par les caractéristiques du bien expertisé. Enfin, si le marché étudié présente une forte volatilité, les éléments de référence seront très vite en décalage avec le marché. Il est dans ce cas nécessaire de réduire l’unité de temps déterminée au préalable.
Les paramètres de calcul par capitalisation
Pour la méthode par capitalisation, l'expert a besoin de connaître le revenu et le taux de rendement. Le revenu sera donc déterminé par le loyer lorsque le bien est loué ou par la valeur locative du marché lorsqu'il est vacant. Il est préférable de se baser sur un revenu brut et non sur le revenu net. L’estimation par capitalisation peut être également considérée comme un cas particulier de la méthode comparative, la détermination du taux de rendement se faisant à partir de la lecture du marché immobilier, par comparaison. L’expert immobilier crée un rapport entre le revenu généré par l’actif et le taux de rendement par la formule :
V = R/t.
« V » désignant la valeur vénale, « R » le revenu et « t » le taux de rendement.
La valeur obtenue par ce calcul correspond à la valeur vénale de l’actif évalué.
Quelque difficultés sont à déterminer quant aux deux paramètres à prendre en compte.
- Le revenu : la question se pose quand le loyer est nettement inférieur à la valeur locative du marché. Cela suppose une évaluation de la valeur locative du marché et de savoir à partir de quel écart entre le loyer de l’actif et celui du marché l’expert change la base capitalisée (généralement à partir de 10% d’écart).
- La détermination du taux : pour la détermination du taux de rendement, l’expert va procéder par référence au marché immobilier dans lequel s’inscrit le bien immobilier évalué. Il va constituer des bases de données internes et avoir à sa disposition des sources externes dans lesquelles sont enregistrées des transactions de ventes avec un revenu et prix de vente qui font ressortir des taux de rendement. Si les biens retenus constituent un échantillon homogène représentatif du bien expertisé, les taux de rendement sont proches et permettent d’en déduire un taux de rendement normal.
Le taux va varier à l'inverse de la valeur vénale de l’immeuble. Un taux élevé fera baisser la valeur de l’immeuble. Lorsqu’un loyer est trop élevé ou trop bas par rapport au prix du marché, des ajustements vont permettre de tenir compte des plus ou moins values pendant la période considérée. La valeur locative de marché pourra constituer la base capitalisée en prenant en considération la durée pendant laquelle la plus ou moins value est perçue.
La modélisation de l'actualisation des flux futurs
Avec la méthode par actualisation de flux futurs (Discounted Cash-Flow). L’évaluateur projette l’ensemble des flux, indexations et réversions projetées pendant une période d’étude considérée, ainsi qu’une valeur de revente potentielle en fin de période de détention. L’ensemble des flux est ramené en valeur actuelle au moyen d’un taux d’actualisation.
Quelles sont les limites des méthodes d’estimation immobilière ?
La principale limite de la méthode par comparaison est que la plupart des sources de références publiques ne permettent pas d’identifier l’état du bien, or c’est un des critères primordiaux pour effectuer une expertise. L’expert pourra également être confronté à une date de publication des transactions trop anciennes. Or, les prix peuvent varier selon les périodes à laquelle l'élément de comparaison est retenu et les fluctuations du marché.
Le cas d’une valeur de convenance : la valeur de convenance se traduit par le prix d’une transaction qui a faussé le jeu normal de la loi de l’offre et de la demande. Ce prix résulte du fait que l’une des parties a été motivée par une convenance particulière, donc propre à elle seule, et exogène par rapport au marché immobilier. Il s'agit par exemple d'un acquéreur qui a un intérêt particulier pour la zone dans laquelle est situé le bien et qui va l'acheter à un prix supérieur au marché. L’expert en évaluation s'attache donc à identifier et exclure ce type de référence de transaction qui n'est pas représentative de la valeur de marché.
Concernant la méthode par capitalisation, l'ajustement du taux de rendement et des revenus en fonction de règles plus ou moins arbitraires limitent les possibilités d'application. Les ajustements de taux entraînent des variations de valeurs très importantes qu'il y a lieu de contrôler en se référant aux prix pratiqués sur le marché.
Concernant le DCF, la détermination et la variation des paramètres et particulièrement le taux d’actualisation et de croissance, change radicalement le résultat. Même si ces paramètres sont déterminés avec le plus d'objectivité possible par les experts, la méthode du DCF est complexe car il s'agit d'anticiper l'ensemble des revenus de l'immeuble dans une pétiode de temps assez longue. Elle requiert donc une connaissance parfaite de l’objet par l’expert-évaluateur et une connaissance des actifs immobiliers, du marché immobilier dans lequel s'insère le bien expertisé.
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RÉDIGÉ PAR :
Antonin Zdrzalik, Chartered Surveyor MRICS, REV by TEGoVA